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Hollandais, Prussiens, tous les peuples protestants, sont nos amis naturels. C’est contre les catholiques, contre le fanatisme du midi, l’Autriche, l’Italie, l’Espagne, les colonies espagnoles, que nous devons tourner nos armes. »

Rien n’était plus logique, spéculativement. En fait, rien n’était plus faux[1].

Brissot et les Girondins auraient voulu frapper trois coups, sur le Rhin, en Italie, en Espagne. L’armée d’Espagne, il est vrai, n’existait encore que sur le papier. L’armée d’Italie existait, aussi nombreuse peut-être que celle de Bonaparte en 1796, mais malheureusement bien moins aguerrie. Kellermann, qui la commandait, n’en avait pas moins bon espoir ; en quittant la Convention, il avait dit : « Je vais à Rome. »

Quant au Rhin, le refus absolu de Dumouriez de coopérer avec Custine forçait de tout ajourner. Il arracha l’ordre d’envahir la Hollande et s’y engagea dans le fol espoir de brusquer l’affaire, et de revenir à temps pour soutenir l’armée désorganisée qu’il laissait à Liège et Aix-la-Chapelle.

  1. Il serait long d’énumérer les politiques qui ont péri pour avoir trop bien raisonné, pour avoir supposé que le monde se menait par la raison. L’un des plus frappants exemples, c’est celui de Jean de Witt, qui de même, en 1672, ne put jamais croire que la France ferait l’énorme sottise d’attaquer la Hollande, son alliée naturelle contre l’Angleterre. Ce grand homme voyait dans l’avenir l’Angleterre maîtresse des mers, et l’intérêt profond que la France et la Hollande avaient de rester unies. Il vit très bien l’avenir et ne vit pas le présent, l’ineptie de Louis XIV, qui se jeta sur la Hollande, la lia avec l’Angleterre, et par ce mariage forcé, fonda la grandeur anglaise. Brissot raisonnait de même. Il croyait, selon la logique, ce qui était tout à fait faux : que les peuples protestants devaient être amis de la Révolution.