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Il ne put duper personne, justement parce qu’ils étaient simples, droits, loyaux. Il n’y avait nulle langue commune.

Il n’eut nulle prise sur Cambon, nulle sur les Jacobins. Les Jacobins voulaient partout le gouvernement révolutionnaire : Dumouriez n’était pas leur homme. Les Girondins voulaient la propagande révolutionnaire, la croisade universelle : Dumouriez n’était pas leur homme[1]. Il leur fallait un général enthousiaste, convaincu comme eux, qui calculât moins prudemment les moyens matériels et crût aux victoires de la foi, un noble don Quichotte de la Révolution. Et il était tout trouvé : c’était l’ami de Pétion, de Brissot, un lieutenant de Dumouriez, ex-volontaire de Washington, Miranda de Caraccas.

Qu’il nous soit permis de dire un mot à la gloire de l’infortuné Miranda, à la gloire du caractère espagnol, dignement représenté par lui dans sa vie et

  1. Les Girondins sont ici justifiés invinciblement, et du côté le moins attendu. Ils le sont par l’homme qu’ils ont traité avec le plus de dureté et de mépris, par Garat. Et ils le sont, d’autre part, par Mallet du Pan, royaliste haineux, qui insulte leur cendre encore tiède, et, sans le savoir, prouve cependant leur innocence. Garat dit dans ses Mémoires :
    xxxx « Les liaisons anciennes de Dumouriez avec Brissot et la Gironde étaient depuis longtemps remplacées par des ressentiments que couvraient à peine les égards qu’un général devait à des législateurs, et que des législateurs devaient à un général par qui triomphait la République. » — La défiance de Brissot pour Dumouriez et sa préférence pour Miranda sont parfaitement exprimées dans ce passage d’une lettre de Brissot à un des ministres, que cite Mallet du Pan : « Incendiez les quatre coins de l’Europe, notre salut est là. Dumouriez ne peut nous convenir. Je me suis toujours méfié de lui. Miranda est le général de la chose ; il entend le pouvoir révolutionnaire ; il est plein d’esprit, de connaissances. » — « Voilà ce qu’écrivait Brissot, vers la fin de l’année passée (1792). » (Mallet du Pan, Considérations sur la nature de la Révolution de France, p. 37.)