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dogue hébété que le pavillon britannique servît de potence.

Et sous ce gibet, devant ces martyrs, une bacchanale eut lieu, dont purent rougir les vieux rochers de Caprée. Emma devint bientôt enceinte.

L’enfant qui provint de là, né du meurtre, conçu de la mort, fut reconnu de Nelson, au mépris de lady Nelson et du vieux mari d’Emma. Nelson tué, Emma brocanta ses souvenirs, vendit ses lettres d’amour.

Le gouvernement de Naples valait mieux encore que celui de Rome. C’est dans celui-ci qu’on pouvait voir, en toute son horreur, l’étouffement de l’Italie. Le pire des gouvernements, sans nul doute, c’est celui qui tire la police de la confession même. « Mon fils, cher fils, Dieu vous entend… Allons, ouvrez-moi votre cœur… » Et il tire de cet aveu des notes pour la police. La pensée, naissante à peine, est saisie, punie d’avance. Si ce n’est l’homme qui s’accuse, sa femme le livre au prêtre. « Hélas ! me disait un Romain, si je pouvais seulement me fier à ma femme ou à ma fille ! »

Le grand artiste romain Piranesi est ici l’historien, le seul confident sincère de cette pauvre âme italienne dans son incroyable asphyxie. On ne peut regarder ses tragiques eaux-fortes sans entendre ce soupir douloureux, profond, d’un cœur où pèsent des montagnes. Les Prisons de Piranesi sont l’image d’un monde enterré vivant, où les magnificences de l’art, les souvenirs d’une grandeur perdue, n’appa-