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ceci : que l’enfant n’eût plus faim ni froid, qu’élevé au grand air, dans les exercices des champs, il fût un enfant heureux, le bien-aimé de la patrie et le nourrisson de la Providence !

Les funérailles de Lepelletier eurent un grand caractère de religion. Elles tiraient un touchant reflet de cette douce pensée d’enfance. Derrière le mort, devant la Convention, qui tout entière assistait à ses obsèques, marchait sous ses voiles noirs la jeune orpheline, la fille de Lepelletier, la fille de la République, solennellement adoptée de la France. Près d’elle (idée bien digne de la grande Mère, à laquelle elle appartenait maintenant) venaient aussi d’autres enfants, de sorte que l’adoptée, dans ces jeunes frères et sœurs qu’on lui donnait en ce jour pour remplacer son père, sentît les consolations et l’étreinte de la Patrie.

Le corps, découvert et sanglant, fut d’abord exposé à la place Vendôme, et le président de la Convention vint déposer sur la tête du mort une couronne de chêne et de fleurs ; un fédéré des départements versa les regrets de la France, ses larmes, sur le martyr de Paris.

Le convoi immense s’achemina ensuite par la rue Saint-Honoré. Il y avait un deuil réel. La Convention, la Commune, toute la France révolutionnaire, qui était là, n’imitaient pas la douleur ; la plupart sentaient trop bien qu’ils menaient leur propre deuil. Ce poignard qu’on avait laissé sur le mort, près de sa blessure sanglante, il planait sur tous. L’assas-