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cruelle de vexations et d’outrages refait son âme et l’affermit. Sa lourde et vulgaire nature est sculptée par la douleur. Ennobli par la résignation, le courage et la patience, il s’élève, il monte ; sacré par le malheur mieux que par la royauté, il est un objet poétique ; changement tel que les siens mêmes sont atteints de cette poésie. Qui eût dit à la reine, en 1788, qu’elle aimerait Louis XVI ?

Et pourtant, le fond de l’homme a-t-il été vraiment changé ? Non, rien ne l’indique. Devant la Convention, il continue de mentir ; le nouveau saint est resté ce qu’il fut, un homme double ; c’est toujours l’élève du Jésuite La Vauguyon.

Une sorte de conjuration morale se fait instinctivement autour de lui, pour l’affermir dans la conviction qu’il a de son droit, l’endurcir dans le dogme royal du pouvoir illimité, l’enfoncer dans l’impénitence. Il meurt sans avoir la moindre notion de ses fautes. Chose inouïe pour le chrétien, il se croit innocent et juste. Que dis-je ? On parvient à le convaincre de sa propre sainteté, on lui compare ses souffrances à la Passion de Jésus, et il accepte si bien l’étrange assimilation qu’il dit en mourant : « Je bois le calice. »

C’est un mauvais jugement que celui qui, loin d’améliorer, d’épurer (vrai but de toute justice), renvoie devant Dieu un homme qui avait besoin du temps pour comprendre et expier, un jugement qui l’affermit en ce qu’il eut de mal, lui donne précisément le contraire du repentir, la