se fit en elle, ce fut de retourner aux pures et saintes affections de la famille, dont elle était fort éloignée jusqu’en 1789, et même depuis. Elle méprisait trop son mari, n’en voyant que les côtés lourds et vulgaires. Son peu de résolution à Varennes et au 10 août lui avait fait croire qu’il manquait absolument de courage (Campan, chap. XVIII et XXI). Elle apprit, au Temple, qu’il en avait beaucoup, en réalité ; un courage, il est vrai, passif, qu’il puisait principalement dans la résignation religieuse. Elle partagea l’intérêt général, en le voyant si calme dans une situation si périlleuse, si patient parmi les outrages, doux pour les hommes et ferme contre le sort. La sécheresse naturelle aux femmes mondaines et légères s’amollit, fondit, à la tendresse, à la sensibilité extrême de l’époux, du père de famille, qui aimait tant, n’ayant plus pour aimer que si peu de jours !… Elle devint (plus que tendre) passionnée pour lui. Elle le gardait tout le jour, quand il fut malade, et aidait à faire son lit. Cet amour nouveau, la séparation le poussa aux excès de la passion. Elle dit qu’elle voulait mourir et qu’elle ne mangerait plus. Ce n’étaient point des plaintes ni des larmes, mais des cris perçants de douleur. Un municipal n’y tint pas. Il prit sur lui, avec le consentement des autres, de réunir la famille et de les faire dîner ensemble, au moins pour un jour. À cette idée seule, la reine eut un violent accès de joie ; elle embrassa ses enfants, et Madame Élisabeth remerciait Dieu, en levant les
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