Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 5.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

alors et depuis. Cette question nous rapprocha, et, malgré la dissidence de nos opinions générales, M. Lainé me parla de mon Histoire commencée et m’encouragea. « Vous en viendrez à 1815, me dit-il ; eh bien, n’oubliez jamais que, si nous nous sommes décidés à planter le drapeau blanc à Bordeaux, c’est que plusieurs parlaient de faire occuper la ville par les Anglais et d’arborer le drapeau rouge. » M. Lainé, malade alors, très près de sa fin, faible d’haleine, long, maigre, un fantôme (je le vois encore), parla sur ce triste sujet avec une force, une chaleur qui me surprirent et me touchèrent ; je sentis l’aiguillon profond qu’il portait au cœur et je respectai en lui, non l’âge seulement et le talent, mais le caractère, la moralité et le remords.