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des villes a pu l’oublier, le paysan n’oublie pas le jour où, rentrant chez lui, il trouva ses bestiaux tués, sa grange brûlée… Malheur à ceux qui nous ont fait voir de telles choses, à ceux qui ont ouvert la porte au Cosaque, qui, dans la maison du Français désarmé, entre la femme qui pleure et la jeune fille qui tremble, ont assis le maître barbare !

Ceux qui, de près ou de loin, amenèrent ces événements, sont à jamais responsables. Ce crime est le seul pour lequel il n’y ait point prescription.

Plusieurs royalistes loyaux, ceux qui, en 1813, suivirent à l’aveugle leur légitime impatience de briser le joug impérial, devenu insupportable, ont été durement punis ; parmi leur triste succès, ils n’ont pu eux-mêmes jamais s’absoudre d’avoir (au moins indirectement) ouvert la voie à l’étranger. J’en eus une preuve très directe, que je dois donner ici. Elle m’a bien fait sentir que, si l’irritation, l’illusion, l’instinct même de la liberté, ont conduit parfois les hommes à violer la patrie, immense aussi est le remords, l’inquiétude qui leur reste des jugements de l’avenir.

Au moment où je publiais le commencement de l’Histoire de France, je vis arriver chez moi un homme vénérable par l’âge, d’un caractère respecté, l’un des meilleurs royalistes, l’ancien ministre, M. Laine. — Il vint pour une recherche qu’il voulait faire aux Archives dans l’intérêt d’une commune, que prétendait dépouiller je ne sais quel personnage ; sorte de procès malheureusement trop ordinaire,