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Pour soutenir leur dangereuse proposition, les Girondins étaient obligés de poser un principe faux, à savoir : que le peuple ne peut déléguer aucune part de sa souveraineté, sans se réserver le droit de ratification. De ce que la Constitution devait être présentée à l’acceptation du peuple, ils induisaient que toute mesure politique ou judiciaire était dans le même cas.

Robespierre, obligé de parler contre ce droit illimité du peuple que soutenait la Gironde, était dans une situation difficile et dangereuse. Nier l’autorité du nombre, n’était-ce pas ébranler le principe même de la Révolution ? Il se garda bien d’examiner cette terrible question en face, il s’en tira par un lieu commun très éloquent, sur le droit de la minorité : « La vertu ne fut-elle pas toujours en minorité sur la terre ? Et n’est-ce pas pour cela que la terre est peuplée d’esclaves et de tyrans ? Sidney était de la minorité, il mourut sur l’échafaud. Anitus et Critias étaient de la majorité, mais Socrate n’en était pas, il but la ciguë. Caton était de la minorité, il déchira ses entrailles. Je vois d’ici beaucoup d’hommes qui serviront, s’il le faut, la liberté, à la manière de Sidney, de Socrate et de Caton… »

Noble protestation, et qui fut couverte des applaudissements de la majorité, elle-même, aussi bien que des tribunes. Tous sentaient que ce jugement, quel qu’il fût, pourrait coûter un autre sang que celui de Louis XVI. Si les partisans de l’indulgence craignaient le poignard jacobin, les accusateurs du roi voyaient