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Le roi, à vrai dire, était moins coupable que la royauté. Celle-ci, faisant des souverains une classe d’êtres à part qui ne s’alliaient qu’entre eux, constituait une seule famille de tous les rois de l’Europe. Ils étaient devenus parents et trouvaient trop naturel de s’aider en bons parents, ou pour ou contre leurs peuples. Le roi de France, par exemple, plus proche parent du roi d’Espagne que d’aucun Français (plus même que des Orléans, plus que des Condé), eût, sans scrupule, appelé contre la France ses cousins, les Espagnols.

À mesure que l’idée des nationalités se fortifiait, se précisait, devenait sacrée parmi les hommes, les rois, n’étant qu’un même sang et formant une race à part hors l’humanité, perdaient entièrement de vue la notion de patrie. Ils allaient ainsi au rebours du courant du genre humain ; on peut dire sans passion le mot passionné de Grégoire ; oui, littéralement parlant, sans accusation personnelle, en qualifiant les plus honnêtes comme les plus déloyaux, les rois devenaient des monstres.

L’originalité du monde moderne, c’est qu’en conservant, augmentant la solidarité des peuples, il fortifie pourtant le caractère de chaque peuple, précise sa nationalité, jusqu’à ce que chacun d’eux obtienne son unité complète, apparaisse comme une personne, une âme consacrée devant Dieu.

L’idée de la patrie française, obscure au quatorzième siècle et comme perdue dans la généralité catholique, va s’éclaircissant ; elle éclate aux guerres