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« Qu’elle ne préjugeait pas la question de savoir si l’on jugeait Louis XVI ou si l’on prononçait sur son sort par mesure de sûreté. »

Notable hésitation d’une Assemblée, si peu sûre de son propre droit, qui ne sait si elle est tribunal ou assemblée politique ! Grande concession aux royalistes, qui se ressaisissaient du droit, lâché par la Convention.

La vie, la mort de Louis XVI, cette question si grave, était elle-même dominée par une autre, plus haute encore. La question capitale, c’était qu’il fût jugé, que le faux roi rendit compte au vrai roi, qui est le Peuple ; que celui-ci, ressaisissant la souveraineté, l’établît par ce qui en est le caractère éminent, la juridiction. Qu’est-ce que la juridiction ? La lieutenance de Dieu sur la terre, et c’est là qu’on connaît les rois.

Abandonner le mot de jugement pour y substituer les mots sûreté, mesure de salut public ou quelque autre que l’on prît, c’était déserter la haute juridiction du peuple, le faire descendre du tribunal, avouer que, n’étant pas juge, il agissait par intérêt, par voie de pur expédient.

Ceux qui abaissaient ainsi la question suivaient à l’aveugle, il faut le croire, un instinct d’humanité, supposant que, s’ils parvenaient à biffer le mot jugement, ils biffaient aussi la mort, qu’on n’oserait tuer un homme par mesure de sûreté. La Montagne avait un beau rôle, reprendre la question de justice et s’y attacher. Elle devait s’asseoir sur