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La Révolution de 1848 enfin n’y a pas touché. Elle a cru ou feint de croire que cette fortune, dont tout le monde connaît l’origine politique, était une propriété privée[1].

Ce royaume dans le royaume exige, on le comprend sans peine, une administration immense, domestiques, employés, gardes, ouvriers, serviteurs de toute espèce ; les seuls gardes des forêts feraient une armée. Ajoutez la légion innombrable des fournisseurs, des marchands, petits créanciers, dans la dépendance de ce puissant débiteur, qui aime à les faire attendre, les suspend à sa fortune. Ajoutez un autre peuple, celui des solliciteurs, de ceux qui attendent, espèrent les vacances qui adviendront et qui provisoirement dépendent plus que les titulaires.

Puissance énorme aujourd’hui, et la même comme valeur. Mais elle avait dans l’Ancien-Régime et sous la Révolution un caractère quasi féodal qui ajoutait à sa force. Ce personnel immense n’était pas variable comme aujourd’hui. Il se composait de familles héréditairement employées dans les mêmes fonctions

  1. Ce mot propriété privée, appliqué aux fortunes royales et princières, ne contribuera pas peu à empêcher le retour de la royauté en France et à la tuer en Europe. L’exemple du vieux roi des Pays-Bas, avec ses 200 millions de propriété privée, celui de Christine, avec ses 136 millions (en ducats d’or, dans cent trente-six coffres de maroquin rouge), le trésor du roi de Naples et de tant d’autres princes, enseignent trop bien que la royauté n’est plus rien qu’une pompe aspirante qui de la propriété publique fait la propriété privée. — Les rois se rendent justice. Ils font leurs paquets, plient bagage. Dans la prévoyance louable qu’ils ont des événements, ils en sont à quitter même ce rôle de propriétaires pour celui de capitalistes, qui est plus mobile. Seulement ils ne voient pas qu’ils se sont entièrement déracinés du sol. Qui se fiera à des gens toujours prêts à lever le pied ?