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Le discours de Robespierre, prononcé le 3, fut comme la traduction littéraire, académique, de cette rhétorique barbare. Cette pièce fort travaillée, comme une chose qui doit rester et faite pour la lecture, a (sauf quelques antithèses) une gravité triste et noble, peu de pointe, peu de tranchant. Pour ma part, j’aime mieux le poignard romain de Saint-Just, plus atroce et moins odieux.

Saint-Just, en apparence plus violent, plus habile en réalité, n’insiste pas sur la justice. La royauté, selon lui, est chose hors nature ; nul rapport naturel de peuple à roi ; un roi est un monstre qu’il faut étouffer ; — ou, si c’est un homme, c’est un ennemi qu’il faut tuer au plus vite.

Robespierre reprend cette thèse, mais la rend plus odieuse en voulant l’approfondir, en s’efforçant d’être juste, en remontant à ce qu’il croit la source de la justice. Elle n’est autre, selon lui, que la volonté populaire. Il fait du peuple, non l’organe naturel et vraisemblable de la justice naturelle, mais il a l’air de le confondre avec la justice même. Déification insensée du peuple, qui lui asservit le droit.

Beaucoup de choses confuses, discutables, sur l’ordre de la nature que nous prenons pour désordre, sur l’état de nature qui, dit-il, est celui de guerre, et autres banalités du dix-huitième siècle. Des flatteries sur les mouvements majestueux d’un grand peuple, que notre inexpérience prend pour l’éruption d’un volcan, etc.