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fort d’Adrien Duport) labourer profond. Là-dessus, il n’entendait à aucune composition, ne connaissait ni Jacobin ni Girondin, se sentant plus que Jacobin sur la question de la guerre, plus que Girondin pour l’esprit d’invasion, de nivellement commun, d’assimilation des peuples à la France nivelée. Le génie de la grande révolution agraire qui était en lui le rendait indifférent, méprisant pour les factions politiques. Partager la terre, c’était tout pour lui, la partager au travailleur ; la donner ? Non, mais la vendre, la vendre à bas prix et pour un acompte, de sorte qu’elle fût toujours la prime du travail ou fait ou à faire.

Son idée fixe, en ce moment, qui était celle de Danton, c’était de révolutionner complètement la Belgique, d’y vendre tous les biens ecclésiastiques ou féodaux au profit de la guerre, de niveler le pays. « Mais alors, lui dit Dumouriez, dans une conférence qu’ils eurent, vous voulez apparemment qu’ils deviennent, comme nous, misérables et pauvres ? — Oui, Monsieur, précisément, répliqua sans se troubler l’homme aux assignats ; il faut qu’ils deviennent tous pauvres comme nous, misérables comme nous ; ils s’associeront à nous, nous les recevrons… — Et après ?… — Nous en ferons autant plus loin ; nous irons ainsi devant nous ; toute la terre, à notre image, deviendra la Révolution. » Le général recula et dit : « C’est un fou furieux. » — La folie de la Révolution, ici, c’était la sagesse, elle ne faisait rien du tout, si elle ne le faisait partout. Sa