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naturelle du prince, qu’on élevait avec ses enfants. Barère, jeune et spirituel, léger de mœurs, de caractère, semblait bien peu l’homme grave à qui ce titre convenait. Comment était-il payé ? en argent ? ou en amour ? On ne le sait[1] ! Ce qui est sûr, c’est que, dans l’attaque violente que la Gironde dirigea bientôt contre la maison d’Orléans, Barère, éperdu de crainte, se cacha au fond de la gauche, au sein même de la Montagne, et, dans le procès du roi, se fit comme procureur général contre lui, résumant les opinions, et concluant à la mort.

Cambon était un autre homme, et il n’y avait guère espoir de l’intimider. Il était très fortement assis dans la Convention, représentant l’énorme question de l’assignat et de la vente, la question éminemment révolutionnaire qui remuait à fond le sol, changeait les conditions, faisait du dessous le dessus. La force de cette question entraînant Cambon, il voulait la guerre, et partout la guerre (contrairement à Robespierre), pour porter partout l’assignat. Les Girondins aussi voulaient la guerre et l’affranchissement des peuples ; seulement, par un respect excessif pour la liberté, fatal à la liberté même, ils voulaient les laisser maîtres d’entrer plus ou moins dans la Révolution. Cambon n’avait point ces réserves, ces hésitations ; il voulait la révolution à fond dans toute l’Europe ; il la voulait territoriale, enracinée dans le sol ; il voulait (selon le mot très

  1. Et on le sait moins encore quand on a lu Barère et Mme de Genlis. Leurs dénégations méritent-elles quelque attention ?