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Assemblée, il regardait de tous côtés et semblait régler en lui-même qui devait vivre ou mourir.

On le sentit dans ce premier discours, où, tout en poursuivant le roi, il menaçait la Convention elle-même, faisait à la fois le procès de Louis XVI et celui des juges qui hésiteraient à condamner Louis XVI. C’étaient déjà pour lui des accusés qu’il séparait en catégories. Il leur reprochait amèrement d’empêcher l’union de la France, que la mort seule du tyran pouvait assurer.

Les uns, disait-il, c’était la peur, les autres le regret de la monarchie qui les faisaient hésiter : « D’autres craignent un acte de vertu qui serait un lieu d’unité pour la République. » Le ciment de l’unité devait donc être le sang. Ce que le comédien Collot avait hasardé aux Jacobins, le jeune et grave Saint-Just, qui siégeait près de Robespierre, le répétait, le professait au sein de la Convention ; le sang était le signe, l’épreuve, le fatal shiboleth, auquel seul on devait reconnaître les patriotes !

Ce discours eut sur le procès un effet énorme, un effet que Robespierre sans doute n’avait pas deviné lui-même ; autrement il eût hésité à donner au jeune disciple l’occasion de planter le drapeau si loin en avant. La brutalité violente de l’idée, la forme classiquement déclamatoire, la dureté magistrale, tout enleva les tribunes. Elles sentirent la main d’un maître et frémirent de joie. Leurs idoles favorites jusque-là étaient des parleurs, des prêcheurs, des pédagogues. Ici c’était un tyran.