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la cravate, par le collet raide et haut ; effet d’autant plus bizarre que sa taille longue ne faisait point du tout attendre cet accourcissement du col. Il avait le front très-bas, le haut de la tête comme déprimé[1], de sorte que les cheveux, sans être longs, touchaient presque aux yeux. Mais le plus étrange était son allure, d’une raideur automatique qui n’était qu’à lui. La raideur de Robespierre n’était rien auprès. Tenait-elle à une singularité physique, à son excessif orgueil, à une dignité calculée ? Peu importe. Elle intimidait plus qu’elle ne semblait ridicule. On sentait qu’un être tellement inflexible de mouvement devait l’être aussi de cœur. Ainsi lorsque, dans son discours, passant du roi à la Gironde et laissant là Louis XVI, il se tourna d’une pièce vers la droite et dirigea sur elle, avec la parole, sa personne tout entière, son dur et meurtrier regard, il n’y eut personne qui ne sentît le froid de l’acier.

Il faut savoir quel était ce jeune homme, qui, pour son début, avait pris le rôle funèbre de parler au nom de la mort, au nom des vengeances du peuple, qui, par delà la Montagne et par delà Robespierre, imposait à l’Assemblée l’assassinat politique. Ses précédents tranchaient fort avec cette audace.

Un mois n’était pas écoulé depuis qu’on avait publié Mes passe-temps ou Le Nouvel Organt de 1792, par un député de l’Assemblée nationale, poème imité

  1. Cette singularité est frappante dans le beau portrait que possède Mme  Lebas, et d’abord je croyais que c’était un accident, une maladresse du peintre. Mais cette dame vénérable, qui a bien vu et connu Saint-Just, m’affirma qu’effectivement il était ainsi.