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On voit que Saint-Just s’inquiétait peu d’accorder logiquement ces moyens divers ; il les empruntait indifféremment à des systèmes contraires ; tout lui était bon pour tuer.

Il y avait des mots terribles, outrageusement violents, magistralement sanguinaires : « Un jour, les hommes éloignés de nos préjugés s’étonneront de la barbarie d’un siècle où ce fut une chose religieuse que de juger un tyran… » Et par une dérision odieuse : « On cherche à remuer la pitié ; on achètera bientôt des larmes, comme aux enterrements de Rome… », etc.

Le jour où la pitié devient ainsi moquerie, commence un âge barbare.

Saint-Just avait obtenu de Robespierre et de la Montagne cette terrible initiative, de porter le premier coup. Mais nous serions tentés de croire que son discours n’avait pas été communiqué. Il allait, en deux passages, jusqu’à dire que le peuple souverain lui-même ne pouvait obliger un seul citoyen de pardonner au tyran, que chacun ici restait juge, il rappelait que, pour juger César, il n’avait fallu d’autres formalités que vingt-deux coups de poignard, etc. Quoiqu’il terminât en conseillant à l’Assemblée de juger promptement, il était à craindre que quelque individu ne se crût autorisé par ces violentes paroles à se faire juge et bourreau. Robespierre le craignit lui-même, et dans son discours (3 décembre) il établit qu’un arrêt était nécessaire et qu’il ne fallait pas le prévenir.