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Révolution. Il y avait cent à parier contre un qu’il ne périrait pas (la tête d’un tel otage était trop précieuse), mais que la France périrait, ayant peu à peu contre elle non seulement les rois, mais les peuples, dont on pervertissait le sens.

L’histoire n’a gardé le souvenir d’aucun peuple qui soit entré si loin dans la mort. Quand la Hollande, voyant Louis XIV à ses portes, n’eut de ressources que de s’inonder, de se noyer elle-même, elle fut en moindre danger ; elle avait l’Europe pour elle. Quand Athènes vit le trône de Xerxès sur le rocher de Salamine, perdit terre, se jeta à la nage, n’eut plus que l’eau pour patrie, elle fut en moindre danger ; elle était toute sur sa flotte, puissante, organisée, dans la main du grand Thémistocle, et elle n’avait pas la trahison dans son sein. La France était désorganisée et presque dissoute, trahie, livrée et vendue.

Et c’est justement à ce point où elle sentit sur elle la main de mort que, par une violente et terrible contraction, elle suscita d’elle-même une puissance inattendue, fit sortir de soi une flamme que le monde n’avait vue jamais, devint comme un volcan de vie. Toute la terre de France devint lumineuse, et ce fut sur chaque point comme un jet brûlant d’héroïsme, qui perça et jaillit au ciel.

Spectacle vraiment prodigieux, dont la diversité immense délie toute description. De telles scènes échappent à l’art par leur excessive grandeur, par