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royale dans une joie commune et saluant ensemble le succès de l’étranger.

Le 10 août n’avait rien ôté aux forces de l’ennemi. Sept cents Suisses avaient péri ; mais la masse des royalistes se tenait tapie en armes. Sans parler d’une partie fort considérable de la garde nationale, compromise à jamais pour la royauté, Paris était plein d’étrangers, de provinciaux, d’agents de l’Ancien-Régime ou de l’étranger, de militaires sans uniformes, plus ou moins déguisés, de faux abbés, par exemple, dont la démarche guerrière, la figure martiale, démentaient trop leur habit. L’Angleterre même, notre amie, avait ici, dès cette époque, des agents innombrables, payés, non payés, beaucoup d’honorables espions qui venaient voir, étudier. Un de ces Anglais, qui vivait encore vers 1820, me l’a raconté lui-même. Le fils du célèbre Burke écrivait à Louis XVI un mot profondément vrai : « Ne vous souciez ; toute l’Europe est pour vous, et l’Angleterre n’est pas contre vous. » Elle devenait favorable au roi, à mesure que la royauté était l’ennemie de la France.

Ainsi Louis XVI, détrôné, déchu, au Temple même, était formidable. Il avait perdu les Tuileries et gardait l’Europe ; il avait tous les rois pour alliés, la France était seule. Il avait tous les prêtres pour amis, défenseurs et avocats, chez toutes les nations ; chaque jour on prêchait pour lui par toute la terre ; on lui donnait le cœur des populations crédules, on lui faisait des soldats, et des ennemis mortels à la