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Paris se sentait en péril ; c’était sur lui certainement qu’on voulait faire un grand exemple. Chacun commençait à faire son examen de conscience, et il n’était personne qui eût lieu de se rassurer. La Fayette, l’imprudent défenseur du roi, qui, ce semble, avait suffisamment lavé par le sang du Champ de Mars, par sa démarche près de l’Assemblée, ses hardiesses révolutionnaires, La Fayette n’était-il pas enfermé dans un cachot ? Qu’arriverait-il aux trente mille, bien autrement coupables, qui avaient été prendre le roi à Versailles, aux vingt mille qui avaient envahi le château le 20 juin, qui l’avaient forcé le 10 août ? Tous, à coup sûr, criminels de lèse-majesté au premier chef. Les femmes, dans chaque famille, commençaient à s’inquiéter fort ; elles ne dormaient plus guère, et leurs imaginations, pleines de trouble, ne sachant à quoi se prendre, enfantaient de terribles songes.

Les mêmes craintes, les mêmes calamités, ramènent les mêmes terreurs. Ces pauvres esprits effrayés deviennent poètes, par leur faiblesse même, de grands et sombres poètes légendaires, comme ceux du Moyen-âge. La philosophie n’y fait rien. À la fin du dix-huitième siècle, après Voltaire, après tout un siècle douteur, l’imagination est la même ; et comment ? La peur est la même. Comme au temps des invasions barbares, comme au temps des guerres anglaises[1], c’est le fléau de Dieu qui approche, c’est le Jugement dernier.

  1. Il est curieux d’observer combien l’imagination populaire se retrouve la