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bins. Par une adresse, il appelait son armée à rétablir la constitution, défaire le 10 août, rétablir le roi. Ceci équivalait à mettre l’étranger à Paris. Il n’y a aucun exemple d’une telle infatuation. Heureusement, il ne trouva aucun appui dans son armée. Il passa les troupes en revue, n’entendit nul autre cri que : « Vive la nation ! » Il se vit seul et n’eut d’autres ressources que de passer la frontière. Les Autrichiens lui rendirent le service essentiel de l’arrêter et par là ils le réhabilitèrent. Sans cette captivité il était perdu ; une ombre très fâcheuse serait restée sur sa mémoire.

Le 18, l’Assemblée l’avait décrété d’accusation. Le commandement de l’Est fut donné à Dumouriez, et dans le Nord Luckner fut remplacé par Kellermann.

Le même jour, le 18, le tribunal extraordinaire était déjà organisé. Danton saisit l’occasion et crut couper court aux vengeances. Dans une adresse admirable où l’on croit sentir, avec le grand cœur de Danton, le talent de ses secrétaires, Camille Desmoulins, Fabre d’Églantine, il posa le droit révolutionnaire, le droit du 10 août, frappa la royauté sans retour, établissant qu’elle avait trahi jusqu’à ses propres amis. Mais, en même temps, sous les termes de la Terreur même, il posait, pour l’ordre nouveau, les bases de la justice.

Ce discours, tout à la fois inspiré et calculé, faisait la part aux deux puissances, l’une, la Commune de Paris, « sanctionnée par l’Assemblée nationale » ; l’autre, l’Assemblée elle-même ; Danton la relevait généreusement : « Félicitons-la, disait-il, de ses décrets libérateurs. »