jetèrent dans les bras de ceux qui naguère demandaient leur mort et qui les avaient délivrées ; les Suisses levaient les mains au ciel, faisaient serment à la cause du peuple et se donnaient à la France.
Le ministre de la justice, Danton, se montra très digne de sa position nouvelle, en se portant pour défenseur des droits de l’humanité. Il exprima devant l’Assemblée nationale une pensée de sévérité magnanime qui était au cœur des vrais vainqueurs du 10 août : « Où commence l’action de la justice, là doivent cesser les vengeances populaires. Je prends, devant l’Assemblée nationale l’engagement de protéger les hommes qui sont dans son enceinte ; je marcherai à leur tête et je réponds d’eux. »
La justice, c’était, en effet, le seul remède à la vengeance. Il y avait là toute une population exaspérée de ses pertes. Si la robe de César, montrée aux Romains, fut un signal de massacre, qu’était-ce de la robe du peuple, de la chemise sanglante des victimes du 10 août, partout reproduite et multipliée, partout étalée aux yeux indignés, avec la légende terrible de la trahison des Suisses, et ce mot des honnêtes fédérés bretons qui courait partout : « Nous avions encore la bouche à leur joue… ils nous ont assassinés ?… »
Ceux que l’on accusait ainsi étaient-ils regardés du peuple comme des prisonniers ordinaires ou comme des criminels ? Après la victoire, après la bataille, le danger passé, le vainqueur prend pour les prisonniers un sentiment de clémence ; mais la