Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/63

Cette page a été validée par deux contributeurs.

roi même, qu’alors on croyait vainqueur ? Jamais son isolement ne ressortit davantage. La situation à ce moment se révélait tout entière : d’un côté, l’Assemblée, le peuple, d’autre part, le roi… En face, la France et l’ennemi.

Une autre panique eut lieu, mais dans l’autre sens. Ce fut la victoire du peuple, les craintes de l’Assemblée pour la sûreté du roi. On eut un moment l’idée que les vainqueurs, dans leur furie, pourraient venir frapper en lui le chef de ces Suisses, de ces nobles, qui avaient fait un si grand carnage du peuple. On arracha la grille qui séparait de la salle la loge du logographe, afin que la famille royale pût, au besoin, se réfugier dans le sanctuaire national. Plusieurs députés y travaillèrent : le roi s’y employa lui-même avec sa force peu commune et son bras de serrurier.

Le procureur du département, Rœderer, vint annoncer bientôt que le château était forcé — Une décharge de canon se fit entendre peu après ; c’était le faubourg Saint-Marceau qui, du pont de la Concorde, tirait sur les Suisses fugitifs. — Et c’est alors seulement, tard, trop tard en vérité, que le roi, ayant perdu toute espérance, fit savoir au président qu’il avait donné aux Suisses l’ordre de ne pas tirer et d’aller à leurs casernes.

Quoique l’Assemblée eût manifesté si vivement la crainte que le roi ne vainquît, la victoire de l’insurrection, accomplie sans elle, parut l’abattre et l’annuler. Elle transférait en réalité le pouvoir de fait à