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du peuple et fit croire aux gentilshommes qu’il ne s’agissait plus que de marcher sur l’Assemblée, de la disperser, d’emmener le roi. La reine ne disait pas un mot, ses lèvres étaient serrées, dit un témoin oculaire (M. David, depuis consul et député) ; ses yeux étaient ardents et secs, ses joues enflammées, ses mains fermées sur ses genoux. Elle combattait du cœur, et nul sans doute de ceux qui se faisaient tuer au château ne porta dans la bataille une passion plus acharnée.

De cette loge, de cette salle du Manège, fort légèrement construite, on entendait tous les bruits. À la première fusillade succéda un grand silence ; puis à neuf heures, neuf heures et demie, les quelques coups de canon tirés par les Marseillais, toutes les vitres vibrèrent. Quelques-uns crurent que des boulets passaient par-dessus la salle. L’Assemblée était très digne, dans une calme et ferme attitude. Elle la conserva, malgré deux paniques. Un moment, la fusillade, très rapprochée, fit croire aux tribunes que les Suisses étaient vainqueurs, qu’ils venaient envahir la salle et disperser l’Assemblée. Tous les assistants criaient aux députés : « Voilà les Suisses, nous ne vous quittons pas ; nous périrons avec vous. » Un officier de la garde nationale était à la barre et disait : « Nous sommes forcés. » Députés, tribunes, assistants, gardes nationaux, tous, jusqu’aux jeunes secrétaires, placés à côté du roi, se levèrent d’un mouvement héroïque et jurèrent de mourir pour la liberté… Contre qui un tel serment, sinon contre le