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également des deux parts d’être dévorée, elle ménagea l’inconnu et garda devant le sphynx un silence de terreur.

Et à ce moment même où elle n’osait plus agir ni prendre parti, par une contradiction étrange, la circonstance venait en quelque sorte réclamer d’elle la force qu’elle n’avait plus.

C’est à ce moment qu’on lui demanda de protéger Suleau et les autres prisonniers ; elle essaya de le faire et vit son autorité méconnue (huit heures). À ce moment encore on lui annonça que le roi voulait se retirer dans son sein. Elle répondit froidement « que la constitution lui en laissait la faculté ». On demandait que la garde du roi pût entrer ; on craignait qu’elle ne fût massacrée, si elle restait aux portes. Mais l’Assemblée, en la recevant, avait à craindre de faire de sa propre salle un champ de bataille ; elle s’attacha à la lettre de la loi, qui lui défendait de délibérer au milieu des baïonnettes ; elle fit semblant de croire que cette garde venait là pour protéger l’Assemblée et déclara « qu’elle ne voulait de garde que l’amour du peuple ».

Nous n’avons point raconté dans le chapitre précédent, où nous expliquions la bataille, le voyage du roi pour aller à l’Assemblée. Ce voyage n’était pas long ; mais on pouvait le croire infiniment dangereux dans l’état d’irritation où était la foule ; à tort : il n’eut d’autre résultat que de prouver que la vie du roi ni même celle de la reine n’étaient nullement en péril.