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au collège de Louis-le-Grand, avait eu comme une seconde vue de l’événement ; il avait offert à Suleau de le cacher chez lui. Mais celui-ci croyait vaincre. Il tomba au piège avant le combat.

S’il périssait, du moins ce n’était pas Théroigne qui pouvait le mettre à mort. Les plaisanteries mêmes qu’il avait lancées contre elle auraient dû le protéger. Au point de vue chevaleresque, elle devait le défendre ; au point de vue qui dominait alors, l’imitation farouche des républicains de l’Antiquité, elle devait frapper l’ennemi public, quoiqu’il fût son ennemi. Un commissaire, monté sur un tréteau, essayait de calmer la foule ; Théroigne le renversa, le remplaça, parla contre Suleau. Deux cents hommes de garde nationale défendaient les prisonniers ; on obtint de la section un ordre de cesser toute résistance. Appelés un à un, ils furent égorgés par la foule. Suleau montra, dit-on, beaucoup de courage, arracha un sabre aux égorgeurs, essaya de se faire jour. Pour mieux orner le récit, on suppose que la virago (petite et fort délicate, malgré son ardente énergie) aurait sabré de sa main cet homme de grande taille, d’une vigueur et d’une force décuplées par le désespoir. D’autres disent que ce fut le Garde-française qui donnait le bras à Théroigne qui porta le premier coup.

Ce massacre, exécuté à la place Vendôme, devant la porte des Feuillants et comme sous les yeux de l’Assemblée, constata d’une manière terrible l’impuissance de celle-ci. Par deux fois elle déclara les pri-