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les oreilles, craignant d’ouïr quelque blasphème contre le dieu du temple ; la pauvre Théroigne fut brutalement chassée, sans être entendue.

Cette insulte en présageait une autre, plus cruelle, dont elle fut frappée à mort. Après le 10 août et le 2 septembre, Théroigne (qu’on a mêlée sans la moindre preuve, et contre toute vraisemblance, à ce dernier événement) prit parti, avec sa violence ordinaire, pour le parti qui flétrissait les assassins de septembre. Elle était encore fort populaire, aimée, admirée de la foule pour son courage et sa beauté. Les Montagnards imaginèrent un moyen de lui ôter ce prestige, de l’avilir par une des plus lâches violences qu’un homme puisse exercer sur une femme. Elle se promenait presque seule sur la terrasse des Feuillants ; ils formèrent un groupe autour d’elle, le fermèrent tout à coup sur elle, la saisirent, lui levèrent les jupes, et nue, sous les risées de la foule, la fouettèrent comme un enfant. Ses prières, ses cris, ses hurlements de désespoir, ne firent qu’augmenter les rires de cette foule cynique et cruelle. Lâchée enfin, l’infortunée continua ses hurlements ; tuée par cette injure barbare dans sa dignité et dans son courage, elle avait perdu l’esprit. De 1793 jusqu’en 1817, pendant cette longue période de vingt-quatre années (toute une moitié de sa vie !), elle resta folle furieuse, hurlant comme au premier jour. C’était un spectacle à briser le cœur, de voir cette femme héroïque et charmante, tombée plus bas que la bête, heurtant ses barreaux, se déchi-