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venus témoigner successivement, dénoncer l’humanité de Danton.

Ses ennemis ne s’y trompèrent pas. Ils virent ce côté en lui, par où on pouvait l’atteindre dans ce temps impitoyable : c’est qu’il avait un cœur. C’est là qu’il fut percé. Il fut, lui et les siens, poignardé d’un mot : Indulgents. Leurs vanteries terroristes ne leur servirent de rien.

Ils ne pouvaient se laver de ce crime. Ce furent eux-mêmes, Danton, Camille Desmoulins, Fabre d’Églantine, qui ouvrirent et fermèrent la Révolution du mot proscrit : Clémence. Le dernier, dans son Philinte, inscrit à la fin de sa pièce ce mot, ce vœu du vrai cœur de la France : « Rien de grand sans la pitié[1]. »

On a vu, dans nos citations de Camille Desmoulins, comment il essayait d’éluder les terribles exigences de Marat, lui faisant part et lui concédant quelque chose pour sauver beaucoup plus. C’était là leur pensée commune et leur contradiction. Ils crurent à la Terreur comme principe, l’admirent comme nécessité absolue de salut public, crurent qu’en l’organisant on la limiterait. Dans l’attente journalière d’un retour de septembre, ils pensaient, par les tribunaux, couper court aux massacres. Ces tribunaux les condamnèrent eux-mêmes.

  1. … Qu’il se souvienne bien
    Que tous les sentiments, dont la noble alliance
    Compose la vertu, l’honneur, la bienfaisance,
    L’équité, la candeur, l’amour et l’amitié,
    N’existèrent jamais dans un cœur sans pitié.