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Elle ignora profondément celui qu’elle haïssait.

Madame Roland et la Gironde, aussi bien que Robespierre et les Jacobins, appartenaient, nous l’avons dit, au dix-huitième siècle, à Rousseau, à la bourgeoisie philosophe. Ils étaient tous des esprits d’analyse et de logique. Danton était une force organique : différence profonde de nature et de méthode, qui devait les rendre irréconciliables encore plus que leur haine.

Danton, malgré son tact étonnant d’actualité, n’était pas exclusivement homme de son siècle. Il appartenait à un élément très profond des masses qui ne varie pas. C’est comme dans l’Océan ; le changement et le mouvement sont en haut, et vous croiriez que l’Océan remue et change ; nullement ; à vingt ou trente pieds, sauf certains courants, il est immobile. De même le vaste fond de la population, l’éternel paysan de France. Tout change, il ne change pas. — Danton, de race agricole, sous l’avocat, le tribun, le grand orateur, avait un rude paysan. On le reconnaissait sans peine à la puissante encolure, aux larges épaules, aux mains fortes. Le visage de cyclope, cruellement labouré de petite vérole, n’en rappelait que mieux les classes des campagnes, où l’enfant n’est guère soigné que par la nature. Le collège n’y avait pas changé grand’chose, grâce à l’inapplication de l’écolier paresseux. Il était né, il resta, avec quelques modifications d’éducation, de situation, le personnage énergique et très fin qu’on voit souvent parmi les paysans de