porte comment, il traita l’argent de la République comme celui de son beau-père, avec cette différence qu’au lieu de la bonne et sage Mme Danton qui mettait encore un peu d’ordre au petit ménage, il eut, au grand ménage de la République, pour ménagères et économes, ses amis, Lacroix, Fabre, Westermann et autres, qui, pour le jeu ou l’amour, puisaient insatiablement dans sa trop facile amitié.
Les hommes de ce temps-ci, habitués à chercher pour chaque homme et chaque chose un but positif, demanderont : « Que voulait Danton ? À quoi visait-il ?… S’il ne songeait point à l’argent, il voulait donc le pouvoir ? Il aspirait à la dictature ? » — Telle fut la question que se posaient les Girondins, et rien ne peut mieux prouver combien leur esprit fut superficiel, peu capable d’entrer aux profondeurs (simples pourtant et naïves) de la nature bien observée.
Une étude attentive et suivie de ce caractère nous autorise à dire ce qu’au reste ont très bien dit deux contemporains sous une autre forme : Danton ne voulait rien de plus que d’être Danton, c’est-à-dire exercer la grande force qui était en lui. Il n’avait aucun désir d’une puissance politique, sentant d’instinct qu’il était une puissance naturelle, un élément, une force, comme la foudre ou la mer. Être roi ? Quelle pauvreté ! Devenir le roi de la révolution en la détruisant ? Mais c’était descendre, pour celui qui se sentait la Révolution elle-même.
Madame Roland ne comprit jamais rien à cela.