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que comme un corps mort sur lequel on allait se battre, les uns, les autres, se visant à travers, croyant que chaque coup qui transpercerait irait au delà blesser l’ennemi. Rien de plus propre à ramener sur lui l’intérêt, la pitié. Le roi n’existait plus, il avait péri au 10 août ; restait un homme, la pitié publique n’y vit rien autre chose. Le procès fut mené si maladroitement qu’on fit pleurer les hommes de septembre ; Hébert versa des larmes. Quand le tyran fut produit à la barre et que l’on vit en lui un homme comme tant d’autres, qui semblait un bourgeois, un rentier, un père de famille, l’air simple, un peu myope, d’un teint pâli déjà par la prison et qui sentait la mort, tous furent troublés ; on put mesurer déjà le coup profond dont les aveugles auteurs d’un tel procès frappaient la République. La triste défense que les avocats de l’accusé lui dictèrent (lui faisant méconnaître son écriture, nier l’évidence) ne put diminuer l’intérêt. Le coup fut porté, au grand profit des royalistes, avec toutes ses conséquences, les fautes du roi oubliées, la République innocente haïe pour la royauté coupable, et cette coupable enfin canonisée par l’échafaud !

Cette vérité, si simple et si claire aujourd’hui, il ne manquait pas d’hommes pour la voir avant l’événement. Vergniaud la voyait bien de la Gironde, et Danton, non moins nettement de la Montagne. Qui oserait la proclamer d’avance, avertir la France du péril ? Il fallait pour cela être fort, pour être