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lysons les éléments divers qui, mêlés, formèrent la lave brûlante.

La souffrance du peuple, sa douloureuse misère en fut le plus faible élément. Et pourtant cette misère était extrême. Toute ressource était consumée depuis longtemps ; quoique le pain fut à bas prix, le travail manquait entièrement, il n’y avait pas moyen d’aller chez le boulanger. La mort au grabat, dans un grenier ignoré ou dans la rue au coin des bornes, c’était la dernière perspective. Ces pauvres gens, presque sans armes et nullement aguerris alors, ne firent pas grand’chose au 10 août ; seulement ils allèrent des premiers aux Tuileries ; c’est sur eux que tomba la première, la meurtrière fusillade. S’il n’y avait eu que ceux-là, le château n’eût pas été pris.

Il y avait un autre élément, auquel la cour ne pensait pas, un élément très militaire qui agit certainement d’une manière bien autrement efficace.

On a confondu tous les vainqueurs sous le nom de Marseillais ; on a cru du moins qu’ils étaient presque tous fédérés des départements : Marseillais, Bretons et autres. Mais avec ceux-ci marchaient des hommes non moins aguerris, aussi furieux tout au moins, de plus ulcérés d’une blessure récente. Quels ? Les fils aînés de la liberté, les anciens Gardes-françaises. Il y avait parmi eux des jeunes gens d’une audace, d’une ambition extraordinaires, dont plusieurs sont devenus illustres. Les Gardes-françaises, un moment, s’étaient laissé amortir par La Fayette ; ils avaient formé le noyau, le nerf de la garde nationale