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tion d’un village des Ardennes vint à la barre pleurer la dévastation de ses champs, ses maisons saccagées, ses granges incendiées. La Convention décréta un petit secours de cinquante mille francs à prendre sur les biens des émigrés. Quoi de plus juste que d’indemniser les victimes de la guerre aux dépens de l’ennemi ?… C’est ce qu’attendait Cambon. Il entra par ce petit trou dans la riche et immense proie des biens de l’émigration, valant quatre milliards. Le jour même, il fit décréter que, dans les vingt-quatre heures, les banquiers, notaires et autres dépositaires de fonds d’émigrés déclareraient ces fonds, et vingt-quatre heures après les verseraient aux caisses des districts.

Sur ce point et sur d’autres, Cambon rencontrait pour obstacles les scrupules d’une partie du côté droit, du centre. On a vu, en octobre 1791, l’hésitation de la Législative sur la question des biens des émigrés. Les prendre, c’était violer la Constitution, qui supprimait la confiscation. Les respecter, c’était laisser aux ennemis armés, à ceux qui amenaient les armées étrangères, toute la force morale qui s’attache aux grandes fortunes. Beaucoup d’émigrés, quoi qu’on fît, trouvaient moyen d’en tirer encore des ressources ; les intendants et gens d’affaires, dans la prévision de leur retour, continuaient de leur envoyer les fruits de bien des choses qui n’étaient pas sous le séquestre. Rien n’était gagné contre l’émigration, tant que ses biens n’étaient pas vendus, et surtout vendus par parcelles, divisés entre