Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/457

Cette page a été validée par deux contributeurs.

La force, la vie chaude de la France nouvelle est dans ce teint puissamment animé ; et en même temps il est d’une transparence, d’une pureté, on peut dire, redoutables : on sent trop que celui-là ne pardonnera guère, qui n’a rien à se pardonner.

Cet homme fut rapace, avide, avare, il faut l’avouer, mais pour la République. J’ai dans les mains le compte exact de sa fortune avant et après la Révolution, son budget vénérable. Dans cet acte, fait par lui en sortant des affaires, il constate qu’il y est entré avec six mille francs de rentes et qu’il en sort avec trois mille. Rentré chez lui, près Montpellier, il administra ses finances aussi sévèrement qu’il avait fait pour celles de la France. Par une économie très stricte et très serrée, sans autre moyen qu’une petite ferme dont il faisait vendre le lait, il parvint en vingt ans à refaire les six mille francs de rentes qu’il tenait de son père. Ce qui surprit le plus, c’est qu’en 1815, exilé à Bruxelles avec tant d’autres conventionnels, Cambon mit en commun son petit revenu, nourrit tel et tel de ses compagnons d’infortune. On sut alors que cet homme, économe entre tous, n’en était pas moins magnanime.

« Je lui ai dû cent fois la vie », dit M. le duc de Gaëte, alors commis des finances. Il en sauva bien d’autres ; quarante en une fois, les quarante receveurs généraux, qui, par une méprise, allaient périr sans lui.

Au moment où nous sommes parvenus, en 1792,