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qu’eut toujours pour elle le paysan de France se confondait ici avec la foi révolutionnaire. L’assignat en était l’hostie.

Le centre de cette religion était en face de la place Vendôme, dans l’ancien jardin des Capucines, précisément où fut plus tard le Timbre, rue de la Paix. Deux canons chargés à mitraille, qui gardaient la porte du couvent, avertissaient les passants du sérieux mystère qu’on faisait au dedans, et qui n’était pas moins que le salut public. Une vaste et forte armoire de fer, d’une serrure savante, indéchiffrable, inouvrable aux profanes, enfermait le trésor, la châsse et les reliques, je veux dire d’abord la constitution sacro-sainte, les minutes des lois, — de plus les vénérables matrices des planches aux assignats, — le précieux papier enfin qui avait la merveilleuse vertu de se faire or. Tout cela, non pas dirigé, mais surveillé de près, jour par jour, par Cambon. C’était l’inflexible et sauvage pontife du symbole national.

D’autant plus âpre et plus sauvage que personne plus que lui n’en prit la responsabilité. Cambon crut à la vente et crut au signe de la vente, et que ce signe équivaudrait à l’or, et que la France se trouverait, de ce signe, plus riche que le monde, qu’elle vaincrait le monde à force d’assignats. Nul plus que lui ne contribua à décider la guerre, le 20 avril 1792, quand il répondit à celui qui faisait craindre des embarras : « L’argent, Monsieur, nous en avons plus que tous les rois de l’Europe ! »