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château. Ces uniformes même causèrent une fatale méprise. Les fédérés bretons, portant des habits rouges, furent pris par les officiers du château pour des Suisses qui auraient passé à l’ennemi, et tirés de préférence ; huit tombèrent du premier coup.

L’effrayante unanimité de la garde nationale, qui, de moment en moment, se manifestait aux Suisses, acheva de les briser. Arrivés près du grand bassin, vers la place Louis XV, leurs rangs flottèrent, ils commencèrent à se débander ; la mortelle pensée du salut individuel, qui perd presque toujours les hommes, entra visiblement en eux. Ils virent ou crurent voir que leur courage, leur discipline admirable, les avait perdus, en ralentissant leur retraite. Quelques centaines se lancèrent, comme des cerfs furieux, sous le couvert des grands arbres, renversèrent les tirailleurs ennemis, gagnèrent la porte qui est en face de la rue Saint-Florentin : trois cents environ échappèrent ; un groupe, serré de trop près, se jeta dans l’hôtel de la marine ; ils y furent cherchés, égorgés. Ceux qui restèrent mieux ensemble essayèrent, des Tuileries, de passer aux Champs-Élysées ; mais à peine eurent-ils posé le pied sur la place qu’un bataillon de Saint-Marceau, qui avait deux pièces en batterie à la descente du pont, leur tira un coup à mitraille, un seul coup, qui en mit trente-quatre sur le carreau. Les autres, dispersés par cette terrible exécution, jetèrent leurs fusils, mirent le sabre à la main, arme inutile contre les piques de leurs ennemis acharnés. Une trentaine