Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/435

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et, au moment suprême, quand la droite hésita et qu’il s’agit de l’enlever, la Patrie leur versa l’ivresse à pleins bords… l’ivresse de leurs chants. La Marseillaise, entonnée par eux-mêmes, leur gagna la bataille ; le Ça ira ! emporta les redoutes.

À deux heures, épuisés, ils s’assirent sur la hauteur parmi les morts, mangèrent enfin, rompirent le pain si bien gagné, joyeux et sérieux, regardant Mons au loin, les longues plaines conquises, sans obstacle, infinies… C’est alors (ou jamais) qu’une parole nouvelle s’élança du cœur de la France, parole simple et forte, d’espérance héroïque. Ce mot devint un chant, et ce fut assez pour vingt-cinq années de batailles :

La victoire, en chantant, nous ouvre la barrière !…

Un âge nouveau s’ouvre par ce chant de clairon, aigu, âpre, sublime. Il partit de l’armée[1] ; le peuple y fit écho.

Et maintenant voilà bien des choses changées… Une heure de la vie du monde vient de sonner, pour quelles destinées ? Dieu le sait.

Et, du nord au midi, la trompette guerrière
A sonné l’heure des combats !

  1. La première strophe, selon moi, est de 1792 ; elle n’est rien autre chose que le mot qui se trouva alors dans toutes les bouches, l’historique exact de la bataille, gagnée en chantant. — Qui fait ces grandes choses populaires ? Tout le monde et personne. Chénier et Méhul ont écrit sous la dictée de la France. Les strophes suivantes, belles, mais laborieuses, appartiennent en propre au grand poète ; elles sont un effort Spartiate de 1793. Nous v reviendrons.