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Il y eut une armée après la bataille ; il n’y en avait pas avant.

Grande révolution. L’infanterie française prit, ce jour-là, possession des champs de bataille et l’allemande s’éclipsa. Ce que la bataille de Rocroy, la défaite des bandes espagnoles fit au dix-septième siècle, Jemmapes le fit au dix-huitième. Chaque fois qu’une infanterie nouvelle s’empare ainsi du terrain, ce n’est pas seulement une révolution militaire, c’est un âge politique qui commence, une phase nouvelle de la vie du peuple.

Ce sont là de trop grands événements pour qu’aucun monument soit digne de les rappeler.

Point de monument. Et c’est bien. Le lieu suffit, il témoigne et raconte. Le solennel amphithéâtre, avec son rude escarpement, est là pour dire toujours que nul obstacle n’arrêta l’élan de la France.

Nul signe matériel, travaillé de main d’homme, n’avait droit de figurer la victoire de l’esprit.

L’esprit seul et la foi gagnèrent cette bataille. Tout le reste était contre nous. Ce fut, rappelons-le, ce fut, tout nus, à jeun, au matin d’une nuit de novembre passée en plein marais, que ces jeunes soldats s’élancèrent. « À cette époque, dit lui-même le général républicain avec un noble orgueil, on n’enivrait pas encore le soldat pour le mener à l’ennemi. »

Il fut ivre autrement, — ivre de la puissante harmonie, fraternelle et guerrière, que les instruments firent entendre d’abord, — ivre de la Patrie, qui lui emplit le cœur.