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les retranchements supérieurs déjà démoralisés, et d’achever la victoire.


Le champ de cette victoire, nous l’avons visité, plein de respect et de religion, au mois d’août 1849.

Plein de tristesse aussi, voyant ce champ nu et désert. Nul monument de la bataille, nulle tombe élevée aux morts, pas une pierre, pas le moindre signe.

La France, qui près de là restaurait le tombeau du vieux tyran des Pays-Bas, de Charles-le-Téméraire, n’a pas eu une pierre pour les morts de la liberté.

Les Belges, affranchis par Jemmapes, qui leur rouvrit l’Escaut, la mer et l’avenir, et qui, pour nous, commença la guerre de l’Angleterre, — les Belges n’ont pas eu une pierre pour les morts de Jemmapes.

Est-ce à dire que l’événement eût trop peu d’importance ?

Il y a eu de plus grandes batailles, sans doute, plus sanglantes ou plus calculées ; nulle plus grande, comme phénomène moral.

Celle-ci, dans la foule de nos victoires, ne peut pas se confondre ; elle est la victoire même qui enfanta les autres, qui engendra la Victoire au cœur de nos soldats.

Celle-ci fut le jugement de Dieu sur la Révolution, sa solennelle épreuve, qui l’affermit elle-même dans la conviction de son droit.

Celle-ci est la victoire du peuple, non de l’armée.