Une ressemblance encore qu’ont les deux batailles, c’est qu’à l’une, comme à l’autre, l’armée française fut tenue, toute une nuit, au fond d’une plaine humide, et que le matin, affaiblie et détrempée, on la mena au combat. Une telle nuit, passée, l’arme au bras, par des troupes si mal habillées pour la saison, dans ces marécages, par des troupes jeunes, nullement habituées ni endurcies, eût amené un triste jour, si cette armée singulière n’eût été réchauffée d’enthousiasme, cuirassée de fanatisme, vêtue de sa foi.
Car enfin ils étaient pieds nus ou peu s’en fallait, dans l’eau et dans le brouillard que le marécage élève la nuit ; eau dessous et eau dessus. La plaine était coupée de canaux, de flaques d’eau croupissante, et là où l’on se réfugiait, croyant gagner la terre ferme, le sol tremblait sous les pieds. Nul pays n’a été plus changé par l’industrie ; l’exploitation des houillères a donné douze mille âmes au village de Jemmapes ; on a bâti, coupé les bois, séché des marais. Et avec tout cela, aujourd’hui même, le pays au-dessous des pentes est resté généralement une prairie très humide.
Du fond de cette prairie, nos soldats, grelottants au froid du matin, purent voir, au couronnement des redoutes, aux maisons crénelées du village qui semblaient descendre à eux, leurs redoutables ennemis. Les hussards impériaux dans leurs belles fourrures, les grenadiers hongrois dans la richesse barbare de leur costume étranger, les dragons autrichiens