de forces. C’était tout leur évangile. Ils l’appliquaient à la lettre, souvent en bien, parfois en mal. Le sang coula pour tel couplet, tel autre fit faire des actes d’une générosité inouïe.
Nous l’avons dit. Quand ils virent passer par charrettes les Prussiens malades, pâles de faim et de fièvre, brisés par la dysenterie, ils s’arrêtèrent court, les laissèrent passer. Ceux qu’ils prirent, ce fut pour les soigner dans les hôpitaux français. À Strasbourg, soldats et bourgeois traitèrent les prisonniers comme des frères ; on partagea avec eux le pain, la viande, la soupe ; on leur remplit les poches de journaux patriotiques, et quand ils partirent pour l’intérieur de la France, on leur acheta du tabac par une contribution générale. La dépense n’était pas petite, ils étaient trois mille. Glorieuse prodigalité, et dans un moment si pauvre, lorsque les nôtres n’avaient pas seulement de chaussures aux pieds ! Les résultats furent admirables. Les prisonniers voulurent avoir du papier, de l’encre, et écrivirent en Allemagne que le Rhin n’existait plus, qu’il n’y avait ni France ni Allemagne, mais que tous étaient des frères, et qu’il ne fallait plus qu’une seule nation au monde.
La sensibilité est mobile, l’exaltation peu durable. Mais déjà dans cette armée se prononçait un élément très résistant et très ferme. « Nos sous-officiers de l’Ancien-Régime, dit M. de La Fayette, étaient supérieurs à ceux de toutes les armées de l’Europe. » Devenus officiers par les lois de la Révolution, ils ont