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d’un même souffle, d’un même élan, d’un même cœur.

Voilà l’origine réelle de la guerre moderne. Il n’y eut là d’abord ni art ni système. Elle sortit du cœur de la France, de sa sociabilité. Les tacticiens n’auraient jamais trouvé la tactique. Ceci n’était point du calcul. Des calculateurs inspirés le virent et en profitèrent ; leur gloire, c’est de l’avoir vu ; ils ne l’auraient pas vu sans doute s’ils n’avaient eu eux-mêmes l’étincelle de ces grandes foules. Ils l’eurent, parce qu’ils en sortaient. Les généraux monarchiques n’auraient jamais pu comprendre le sublime et profond mystère de la solidarité moderne, des vastes guerres d’amitié.

Les fédérations de 1790 avaient fait pressentir ceci. Quand on vit tout un canton, parfois tout un département en armes, autour de l’autel, il ne fut pas difficile de prévoir les immortelles demi-brigades de la République. Et, quand on vit les fédérations immenses qui réunirent plusieurs départements ensemble, et ces grands corps de fédérés, qui, grossissant toujours, s’augmentant, se donnant la main, formaient à travers la France les chœurs et les farandoles de la nouvelle amitié, on pouvait voir en esprit que ces hommes, en 1792, fidèles au serment de 1790, constitueraient nos grandes fédérations militaires, la républicaine armée de Sambre-et-Meuse, la pacificatrice armée de l’Ouest, la ferme et invincible armée du Rhin, victorieuse jusqu’en ses retraites, la rapide et foudroyante armée d’Italie.