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subordonnés. Au général Valence, orléaniste décidé, ami du duc de Chartres, Dumouriez donna le rôle actif et brillant d’occuper la Meuse, d’arrêter les Autrichiens qui amenaient des secours. Au Jacobin La Bourdonnais qui avait son aile du Nord, il donna le rôle obscur et sans gloire de le côtoyer de loin, à sa gauche, et de le rejoindre seulement quand toute la campagne serait décidée.

Ni Valence ni La Bourdonnais ne purent agir utilement. Ces deux ailes, énormément éloignées de l’armée du centre, ne pouvaient coopérer avec ensemble. Valence, n’ayant ni chevaux ni charrois, ne put bouger, laissa passer l’Autrichien. La Bourdonnais, sacrifié, irrité, fit le moins qu’il put, et mal. Le grand avantage de nombre que devait avoir Dumouriez fut ainsi perdu. En réunissant ses forces, il eût eu près de cent mille hommes ; il les dispersa, et son armée du centre, isolée, n’en compta que quarante-cinq mille. L’Autrichien pouvait en avoir autant, mais supérieurs en discipline, quarante-cinq mille vieux soldats ; s’il eût su les réunir, il eût écrasé Dumouriez.

Celui-ci le reconnaît lui-même, il n’a pas connu la guerre nouvelle, la guerre d’ensemble et par masses[1]

  1. Dumouriez en fait honneur à Carnot, pour en ôter la gloire à Napoléon. La gloire en est à la France. Le grand organisateur des armées de 1793, le sublime calculateur d’Austerlitz, n’auraient rien pu, si la France ne leur eût donné l’infaillible épée morale que nous venons de décrire ! — Pour leur maître, Frédéric, son maître fut la nécessité. Cet habile homme, dans la Guerre de Sept-Ans, pressé de tant d’ennemis, mais non entouré, n’ayant à repousser que de courtes attaques du côté des Russes, put faire face à tout,