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la scène fut représentée dans les journaux de ses adversaires. « Nous pouvons leur pardonner d’avoir ri, ajoute-t-il méchamment, car nous les ferons pleurer. »

Marat parti, on essaya de continuer la fête. Mais les femmes restaient effrayées. Les hommes s’efforçaient de sourire pour les rassurer. Chacun trouvait cependant que son voisin était pâle et que tous étaient changés. Pourquoi ? L’événement était petit, en effet, pour donner tant d’émotion. La ridicule apparition n’était pas pour effrayer tous ces hommes, en qui réellement était la force de la France, aussi bien que sa lumière. Les menaces, les prédictions sinistres du sanguinaire astrologue, la mort même, quand elle eût été annoncée avec certitude, n’auraient pas troublé leur cœur. Ce qui les troublait, non sans cause, c’est qu’avec Marat ils avaient cru voir entrer dans cette salle l’irrémédiable discorde, le génie des factions qu’ils portaient en eux et qui un moment s’était éclipsé. Ils restèrent tristes, silencieux, et ils s’isolèrent. Le mélange amical cessa ; chacun, instinctivement, se rangea auprès des siens. Avant même de sortir, on retrouva les partis.

Dumouriez ne voulait point quitter Paris sans faire un dernier effort pour la conciliation. Il réunit, dit-on, à sa table Danton et les Girondins. Il mena Danton chez eux, et, les forçant ainsi à rompre le pain ensemble, il crut les avoir rapprochés, et il se trompa. La Gironde resta fermée. Si elle donnait