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avec la victoire ; lui seul l’avait commencée et pouvait la continuer. Le péril n’était point passé ; la France n’était pas sauvée tant qu’elle n’avait pas pris une brillante offensive, vaincu l’ennemi chez lui, sur son territoire. Un seul homme avait réussi et semblait avoir une étoile, semblait heureux, cette première et dernière qualité qu’on demande aux généraux. Il fallait bien se fier à lui, faire croire à la plus intime union entre la Convention et le pouvoir exécutif, entre celui-ci et l’exécuteur des mesures militaires, effrayer l’Europe de cette unité en trois forces : le bras, la tête et l’épée.

Les défiances excessives contre l’ambition militaire, fort raisonnables sans doute pour une vieille révolution, lassée et blasée, le sont bien moins pour une révolution jeune, enthousiaste, qui prend son essor. Les hommes alors ne sont rien, les idées sont tout. On l’avait vu par La Fayette, qui avait, et dans l’armée, et dans la garde nationale, des racines qu’on eût crues bien fortes ; au jour où il voulut gourmander la Révolution, il se trouva seul. Dumouriez était tout neuf, comme général en chef ; si quelques régiments de ligne, quelques corps de cavalerie, lui tenaient personnellement, la masse immense de l’armée, renouvelée, augmentée chaque jour, ces torrents de volontaires qui de toutes parts venaient s’y jeter, ne connaissaient point Dumouriez ; leur dieu c’était la République, et ils n’en voulaient pas d’autre. Quel homme, à ce premier moment, aurait eu l’audace insensée de mettre sa personnalité misé-