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étroits. Les cinq cents Marseillais, les trois cents Bretons et les autres fédérés, une troupe très militaire, avaient le poste d’honneur ; ils allaient les premiers au feu ; ils devaient entrer au Carrousel par les guichets voisins du Pont-Royal. Le Marais et autres sections de la rive droite devaient pénétrer par le Louvre ; Saint-Marceau et la rive gauche se chargeaient du Pont-Royal, du quai des Tuileries, du quai de la Concorde et de la place, de sorte que le château fût entre deux feux, Saint-Antoine avait deux petits canons, Saint-Marceau autant, c’était toute l’artillerie.

Si la masse des fuyards avait été rejetée vers le quai, elle eût pu jeter du trouble, du découragement dans les colonnes qui venaient ; mais elle fut, comme on l’a vu, rejetée vers la rue Saint-Honoré et les petites rues du Louvre. Les Marseillais et le faubourg Saint-Antoine ne virent rien de ce spectacle affligeant ; ils arrivèrent frais, confiants, la tête haute. Ils savaient en général qu’on avait attiré, massacré leurs frères ; ils doublèrent le pas, furieux. Les sections du Marais, arrivées au Carrousel par les petites rues du Louvre, virent nombre de blessés ; mais ces blessés, pleins d’enthousiasme, de haine et de colère, demandaient vengeance pour la perfidie des Suisses : « Nous avions encore, dirent-ils, la bouche à leur joue qu’ils ont versé notre sang. »

Les Marseillais passèrent les guichets du quai, virent les Suisses en bataille sur le Carrousel, s’ouvrirent brusquement, démasquèrent leurs petits