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sont ceux des royalistes qui étaient sur l’escalier. Deux heures après, un des assaillants, qui traversa le vestibule et vit cette montagne de morts, dit qu’on était suffoqué de l’odeur de boucherie et qu’on ne respirait pas.

Il ne faut pas demander si ceux qui étaient dans la cour s’enfuirent à toutes jambes. Ils ne purent le faire si vite qu’ils ne fussent criblés au passage du feu des baraques qui serraient la cour de droite et de gauche ; elles étaient pleines de soldats. Ce fut, à la lettre, la chasse à l’affût ; les chasseurs avaient le gibier au bout du fusil et pouvaient choisir. Trois ou quatre cents hommes périrent dans ce fatal défilé, sans riposter d’un seul coup.

Deux sorties se firent à la fois de ce palais meurtrier, une des Suisses au centre, sous le pavillon de l’Horloge, une autre des gentilshommes qui s’élancèrent du pavillon de Flore, poussèrent toute la déroute loin du quai, vers les petites rues du Louvre et la rue Saint-Honoré. Les Suisses, se formant en bataille dans le Carrousel et faisant feu de toutes parts, criblèrent la queue des fuyards, et toute la place fut encore semée de cadavres.

Le château se crut vainqueur, s’imagina avoir écrasé l’armée de l’insurrection ; mais c’était seulement l’avant-garde. Au milieu même du feu, pendant que les Suisses tiraient encore sur la foule entassée au passage étroit des rues, M. d’Hervilly se jette à eux, sans chapeau, sans armes : « Ce n’est pas cela, dit-il, il faut vous porter à l’Assemblée, près du roi. »