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La Gironde, toute-puissante dans l’hiver de 1791, au printemps de 1792, était fidèle à ces doctrines ; c’est elle qui, de gré ou de force, malgré la résistance des Jacobins, mit sur toute tête, en France, le bonnet de l’Égalité, le simple bonnet de laine rouge, que portait généralement le paysan avant 1789, et qui, le 20 juin 1792, fut mis sur la tête des rois.

Et la Gironde ne s’en tint pas au signe ; elle réalisa l’égalité autant qu’il fut en elle, l’égalité de la force, en donnant à tous des armes ; elle seconda le grand élan national de la guerre ; au défaut de fusils, elle autorisa tout le monde à forger des piques. Elle comprit la guerre, sous ses deux aspects les plus saints (par lesquels la guerre est la vraie mère de la paix), comme une généreuse croisade de la liberté pour affranchir toute la terre, et comme l’épreuve légitime de la France nouvelle, l’initiation universelle du peuple à l’égalité, l’anéantissement de l’ancienne aristocratie. La vraie manière de détruire la noblesse, c’était de la donner à tout le monde, de ceindre à tous l’épée. En cela la Gironde avait vraiment saisi la pensée de la France. Personne, presque personne, n’imaginait l’égalité des biens ; peu comprenaient l’égalité des lois ; tous voulaient, désiraient l’égalité sous le drapeau.

Voilà les précédents de la Gironde ; il lui suffisait d’y rester fidèle. Par quel étrange et subit revirement la voyons-nous, après septembre, s’éloigner peu à peu du grand poste qu’elle a occupé jusqu’ici dans la Révolution, l’avant-garde de l’égalité ?