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l’armée. Il avait paru diriger Dumouriez dans la campagne, et il semblait aussi diriger les Prussiens dans la retraite, négocier, les armes à la main, l’évacuation du territoire. À l’intérieur, une foule d’hommes compromis croyaient trouver leur sûreté sous le patronage de Danton ; il les avait défendus, en se disant leur complice. Ils lui appartenaient, ces hommes ; on ne le rencontrait guère sans les voir autour de lui, recueillant avidement sa parole, attendant son signe. Ils lui faisaient une cour, sans compter le peuple curieux, qui toujours venait derrière, le suivait, l’aimait, l’admirait. À le voir ainsi entouré, on pouvait croire que le dictateur n’était plus à trouver, qu’il existait déjà, ce roi de l’anarchie.

Les Girondins se croyaient les fondateurs de la République ; ils la défendaient contre la dictature, non seulement avec patriotisme, mais avec un amour-propre d’auteur. Quoique Camille Desmoulins, dès 1789, en ait eu dans la presse la brillante initiative, quoique, selon quelques-uns (voir Mém. de Garat), Danton, le maître de Camille, en ait eu la première et profonde conception, cependant c’étaient les écrivains girondins qui, au moment décisif, en 1791, avaient importé dans l’opinion l’abolition prochaine de la royauté. Leurs mystiques, Fauchet et Bonneville, dans la Bouche de fer, leurs raisonneurs, Brissot, Condorcet, Thomas Payne, y avaient converti le public et jeté, en réalité, la première pierre de la République. Les Jacobins, Robespierre, s’étaient tus sur la question. Les Cordeliers se déclarèrent